Feat Mischa Barton.

Ce que les papiers ne disent pas

Ce n’est pas toujours évident d’être femme, et encore moins dans les temps de guerre. Les hommes ne croient pas en vous, ils vous considèrent faible et sans défenses, un être incapable de prendre soin de soi-même. Et, s’ils arrivent à outrepasser votre faiblesse, ils ne voient alors qu’un morceau de viande, une femme dont ils pourraient facilement abuser, un simple objet de plaisir sur lequel ils ont tous les droits parce qu’ils sont des hommes, et vous une femme. Mais Kyara ne se laisse pas faire. Elle n’a sans doute pas la force musculaire de ses partenaires, mais elle a l’intelligence, la ruse et l’agilité. Elle sait user de ses charmes pour surprendre l’ennemi, et sait s’imposer parmi cette communauté masculine. Gentille, elle sait se montrer ferme quand il le faut. Elle est en quelque sorte le cerveau de son escadron, et c’est grâce à elle que ses coéquipiers ne foncent pas tête baissée au combat et qu’ils élaborent des plans judicieux. Par ailleurs, c’est une jeune fille très têtue qui ne démords pas facilement de ses idées et qui est prête à discuter pendant des heures pour imposer son point de vue. Elle n’hésite jamais à dire ce qu’elle pense, ce qui en agace souvent plus d’un. Oui, on pourrait d’être qu’elle est plutôt bavarde et intrépide. Elle paraît donc agaçante à premier abord, et pourtant elle devient vite attachante, une amie fidèle qui ne vous laisse jamais tomber, une jeune femme douce et attentionnée, une chevalière courageuse qui se bat avec passion et détermination.

On veut tout savoir

Comment j'en suis arrivé là

Tout commence à Aydindril, dans une maison comme une autre, une petite chambre près de la cuisine, un vieux lit recouvert de couvertures de laine de mouton. Kyara venait de naître, septième enfant d’une famille de déjà six filles. Sept filles, et pas un seul garçon. En prenant le bébé dans ses bras, le seul homme de la maison poussa un soupire, navré. Il tendit l’enfant à sa femme, et celle-ci n’arriva pas non plus à s’émerveiller devant le nourrisson. Encore une fille. Le sexe faible. Une bouche de plus à nourrir sans recevoir aucun privilège en retour.
Une fille. Ils avaient tant espéré un garçon…

Les années passèrent, et Kyara ne reçut jamais l’amour auquel ses sœurs avaient eu droit. Elle était l’échec du pauvre couple parental, l’erreur de plus, l’insatisfaction d’un mariage infructueux. Elle grandit donc avec cette sensation d’être non désirée, et, pire encore, d’être une intruse, d’être en trop. Pourtant, elle n’avait jamais rien demandé. Pas même d’exister. Bien assez tôt, elle comprit que cette famille ne l’aimerait jamais, que sa place ne serait jamais là. Mais où alors ?

Un matin, elle se présenta au château. Elle n’était pas plus haute que trois pommes mais bondait le torse pour paraître plus fière. Les serviteurs ne prêtaient même pas attention à elle. Elle entra dans la salle du trône, comme une habituée, et demanda à voir le roi. Les gardes se mirent à rire, et elle fronça les sourcils en retroussant son nez. Pourquoi se moquaient-ils d’elle ? « Je veux voir le roi », insista-t-elle. Les deux gardes levèrent les yeux au ciel et faire semblant de ne plus la remarquer. Par chance, le roi passait à ce moment par là, alors elle s’avança vers lui et fit une profonde révérence. « Votre Altesse, je voudrais être chevalière. » affirma-t-elle sans bégayer. La garde personnelle du roi ne put retenir un rire ironique. Mais le roi la regarda, très sérieux. Elle ne baissa pas le regard. Pendant plusieurs longues secondes, ils se regardèrent ainsi, comme si plus rien n’existait autour d’eux. Pas un seul instant elle ne cilla, pas un seul instant elle ne parut indécise. « C’est d’accord », finit par dire le roi. Et c’était tout. Il tourna les talons, sa cape virevoltant autour de ses jambes, agita la main en l’air et disparut. Voilà, elle allait devenir chevalière.

A partir de ce jour-là, elle habita avec les apprentis chevaliers au sein-même du château, suivant la même formation que tous ces garçons et ces rares filles qui rêvaient de défendre leur royaume à dos de cheval. L’entraînement fut très intense, et jamais elle n’était à la hauteur. Rapidement, elle devint la risée des écuyers, celle avait qui personne ne voulait se battre parce qu’il était trop facile de la vaincre. Même les maîtres d’armes ne savaient plus comment lui enseigner, elle ne semblait pas progresser malgré ses efforts acharnés. C’était un cas désespéré. Et pourtant le roi refusait de la renvoyer chez elle ; il savait qu’un jour elle y arriverait. Un jour.. Mais quand ?

Le grand jour arriva enfin. Celui où une mission allait lui être confiée, celui où enfin elle pourrait faire ses preuves… ou échouer définitivement. Elle resta calme pendant qu’on lui remettait son parchemin, l’ouvrit d’une main tremblante mais d’un geste contrôlé, et acquiesça après avoir lu ce qu’on attendait d’elle. Dans le silence le plus total, elle rangea le morceau de papier dans sa sacoche et monta sur son cheval. Une légère pression des talons dans le ventre de l’animal, et la voilà partie à l’aventure.

Pendant des jours et des jours, elle erra dans la montagne de Gi-Galad, sans savoir exactement où elle devait se rendre. Bientôt les semaines passèrent à leur tour. Cela faisait déjà plus de deux mois qu’elle était partie, et elle n’avait toujours rien trouvé. Elle commença alors à douter d’elle-même. Non, il ne fallait pas qu’elle se remette en question. Elle en était capable. Le roi avait cru en elle dès le départ. Elle en était capable. Elle lança sa monture au trot. Elle allait y arriver.

Il lui fallut encore un mois pour atteindre son objectif. Mais elle y parvint. Quand elle rentra au château, l’automne pointait déjà le bout de son nez, les feuilles avaient pris une tournure ocre, et un léger vent s’infiltrait sous sa cape, la faisant frissonner. A sa grande surprise, son arrivée fut acclamée par tous ses frères d’arme. En la voyant, ils arborèrent tous un grand sourire, ému et fier. Elle avait réussi. Elle l’avait fait. Désormais elle était une chevalière, elle avait prouvé qu’elle en avait l’étoffe et le courage, qu’elle n’abandonnait pas a premier obstacle survenu sur sa route et qu’elle était prête à tout pour accomplir son rêve. Le roi se fit un honneur de l’adouber, elle, cette petite fille qu’il avait recueillie bien des années plus tôt, cette gamine peu promettant dont personne ne voyait le potentiel. Personne sauf lui, et elle-même. Et la voilà à présent devenue une vraie femme, une vraie chevalière.